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L’arbre qu’il étayait s’écorce et se détruit,
Le vers mange la feuille et la guêpe le fruit.
La joubarbe, l’orpin, l’aigremoine et l’ortie
Ont pris racine en ses pierres désassorties ;
D’un trou large et brutal son flanc est traversé ;
Un de ses contreforts a chu dans le fossé.
Il est morne et couvert de lèpres et de taies
Et le plâtre s’écaille autour de ses cent plaies.

Mais ceux qui l’ont connu, au temps de sa vigueur,
L’ayant vu tous les jours, ne voient pas sa ruine ;
Ils s’assemblent en juin sous sa longue fraîcheur,
Au tournant du chemin qu’il borde et qu’il domine ;
Ils regardent la plaine et se parlent longtemps ;
Le mur écoute en eux la voix des anciens temps.
En août, aux jours joyeux des kermesses paillardes,
Filles et gars, longtemps, dans la nuit, s’y attardent.
Soit aux billes, soit au cerceau, chaque jeudi,
Les enfants de l’école y jouent l’après-midi.
L’été durant, le mur appelle, accueille, invite ;
Même en automne, encor, les plus vieux s’y abritent,
Le soir, pour voir rentrer, de loin, les fourrageurs