Page:Verhaeren - Les Plaines, 1911.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Jadis, on les voyait rouler presque avec crainte :
Les bœufs fuyaient là-bas ; les pigeons familiers
Désertaient les recoins de leurs blancs colombiers ;
La mort semblait peser où pesait leur empreinte.

Mais aujourd’hui leur va et vient, au long des champs,
Fait à peine trembler le seuil d’une demeure,
Et leur passage annonce aux travailleurs quelle heure
Le jour qui marche et fuit, jette au soir approchant.

Les rails d’acier luisant sont encadrés de haies ;
Les chiens et les troupeaux ne le redoutent plus ;
Et dans les fentes d’or des plus mornes talus
Se pavoisent des fleurs et se bombent des baies.

Marbres, grès et granits ; fontes, fers et charbons ;
Tous les trésors secrets que les terres lointaines
Cachent aux flancs obscurs des monts, sous les fontaines,
Apparaissent en Flandre, au dos des lourds wagons.