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14 LES MOINES


II lui fallait le feu des grands sites sauvages,

Les rocs tortionnés de nocturnes ravages ;


Le ciel torride et le désert et l'air des monts,

Et les tentations en rut des vieux démons,


Agaçant de leurs doigts la chair en fleur des gouges

Et lui brûlant la lèvre avec de grands seins rouges,


Et lui bouchant les yeux avec des corps vermeils

Comme les eaux des lacs avec l'or des soleils.


On se l'imaginait au fond des solitudes,

Marmorisé dans la raideur des attitudes,


L'esprit durci, le coeur blême de chasteté,

Et seul, et seul toujours avec l'immensité.


On le voyait marcher au long des mers sonnantes,

Au long des bois rêveurs et des mares stagnantes,


Avec des gestes fous de voyant surhumain,

Et s'en venir ainsi vers le monde romain,