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Ta chair jeune et belle, ta chair

Que je parais de mes pensées,
N’a plus sa fraîcheur pure de rosée,
Et tes bras ne sont plus pareils aux rameaux clairs.

Tout tombe, hélas, et se fane sans cesse ;
Tout est changé, même ta voix,
Ton corps s’est affaissé comme un pavois,
Pour laisser choir les victoires de la jeunesse.

Mais néanmoins, mon cœur ferme et fervent te dit :
Que m’importent les ans jour à jour alourdis,
Puisque je sais que rien au monde
Ne troublera jamais notre être exalté
Et que notre âme est trop profonde
Pour que l’amour dépende encor de la beauté.