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Dont la corde parfois à vos buissons s’accroche,
Tandis qu’au gouvernail, qu’il manœuvre des reins,
Nonchalamment, la pipe aux dents, les mains en poche,
Le batelier s’appuie et fredonne un refrain.

Lys tranquille et familiale,
On vous adore au fond des bourgs et des hameaux ;
Vous reflétez leurs deuils et côtoyez leurs maux,
Tout comme, aux temps joyeux, vous mirez dans vos eaux,
Les cortèges, les guirlandes, et les drapeaux
Des kermesses paroissiales.

Et tout au loin, là-bas, entre Deynze et Courtrai,
Avec vos bras, vos poings, vos mains et vos doigts d’onde,
Vous rouissez patiemment le lin sacré,
Vous, la plus souple ouvrière qui soit au monde ;
Et votre obscur labeur est si mystérieux,
Au fond du lourd limon, de la vase et des cendres,
Que nulle part ailleurs, sous la clarté des cieux,
Ô Lys ! toile n’est blanche autant qu’en Flandre.

Et vous groupez à vos côtés les humbles gens
Qui travaillent gaîment sur leurs métiers agiles,
Les fins tissus plus clairs que la neige et l’argent ;