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Bien plus. Quand les âmes étaient à tel point viles
Que tout, même le vent qui inclinait les fronts,
Semblait leur enseigner l’attitude servile,
Quelques hommes du moins secouèrent l’affront
Et retrempant le droit dans les vieilles franchises,
Avec leurs mains en sang le maintinrent debout.
Eux seuls, en ces temps gris de molle abatardise,
Ont pu carrer un torse où brûle un cœur qui bout,
Et, le jour de leur mort sur la place âpre et morne,
— Leur doyen Anneessens criant son droit, très haut —
Mourir comme vous deux, comtes d’Egmont et d’Hornes,
Superbement, en dominant leur échafaud.

Enfin, lorsque l’on crut qu’il n’était plus personne
D’assez maître de son orgueil et de ses bras
Pour secouer les jougs et les jeter à bas,
La révolte bondit des terres brabançonnes,
Faisant trembler le sol jusqu’au bout du pays ;
Plus tard encor, ceux des sablons mauves et gris,
Ceux des marais pâles et roux de la Campine
Opposèrent leur rage aux rages jacobines
Et, lourdement, avec leur pique, avec leur faulx,
Avec leur Dieu planté dans leur cœur volontaire,