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Ô le vent rude et sain des pensers énergiques
Qui secouait alors les branches du destin !
Ô la neuve clarté du jour à son matin !
Vésale en prodiguait au loin, de ville en ville,
Les feux, à des cerveaux timides et serviles.
Il était guérisseur de peuples et de rois ;
Sa gloire ample montait pareil à un charroi
De fleurs et de moissons sur de hautes montagnes ;
Il enfiévrait la France, il étonnait l’Espagne ;
Sa méthode s’affermissait comme un donjon
Massif et droit, dans un pays de lourde brume.
Il ne frappait jamais à côté de l’enclume ;
Il ne s’appuyait point sur un peuple de joncs.
Les yeux pouvaient saisir ce qu’il affirmait : être ;
Aucun faux jour ne glissait par sa fenêtre.
Bologne le conquit à son enseignement
Multiple et clair — tels les astres au firmament. —
Et quand plus tard, en la même Italie,
En les villes de France et d’Espagne, s’en vint,
Comme un charmeur, comme un devin,
Pareil à quelque fraîche et soudaine embellie,
Triomphal et princier, héroïque et gourmand,
Rubens ! il conduisit son art, de joute en joute,
Par les mêmes chemins et les mêmes grand’routes
Qu’avaient déjà sacrés le haut savoir flamand.