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Et quelques-uns déjà le mêlaient aux devises
Que leur esprit railleur et violent cherchait.
On se serrait les mains en de brusques étreintes ;
On prodiguait les sarcasmes et les serments,
Les cœurs se fleurissaient de rouges dévoûments,
Et les âmes se dévoilaient belles, sans crainte ;
Et le pain et le sel se mélangaient au vin.
Certains mots s’envolaient qui ne voulaient rien dire,
Mais la fièvre était haute et large le délire.
Tous comprenaient que rien ne se faisait en vain
En cette heure de jeune et terrible folie ;
Qu’ensemble ils le tordaient le nœud serrant leur sort,
Et que tous ayant bu les superbes vins forts,
Chacun en sablerait, jusques devant la mort,
La lie.

Et tandis que le soir d’un avril orageux
Avec ses bras d’éclair enveloppait Bruxelles,
Et que leurs voix criaient, mâles et fraternelles.
Criaient toujours, criaient encor « Vivent les Gueux ! »
Dans la Castille, au cœur de ses pays serviles,
Philippe Deux se préparait au sac des villes.
La terrasse était haute où son ennui errait ;