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La guerre ! ils l’acceptaient, la guerre et ses mêlées.
Sous les lions des étendards, ils s’ébranlaient
Malhabiles, balourds, compacts, épais.
Mais leurs terribles mains semblaient ensorcelées
Le jour qu’il leur fallut, parmi les chevaliers
Casqués d’acier léger et de française audace,
Saisir aux crins la victoire fallace
Et la dompter et la lier
À leur fortune et la dresser debout,
Comme la Flandre elle-même,
Là-haut, dans la nuée, aux sommets fous
Et batailleurs des beffrois blêmes !

Le bourdon sourd qui mugissait au loin
Célait en lui le cœur de leur colère
Et ses battants étaient leurs poings.
La haine ! ils la voulaient tragique et séculaire.
Ils l’attisaient, le soir, à leurs foyers,
Ils appelaient leurs fils pour la voir flamboyer
À la flamme familiale ;
Ils leur baisaient le front, la poitrine, les yeux,
Et tels leur transmettaient, en les serrant contre eux,
L’âme de Flandre et des aïeux,
Rude, féroce et partiale.