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Ses narines saignaient, ses dents crissaient de joie
Et son rire sonnait pendant l’égorgement.
Comme un buisson mouvant de haine carnassière,
Il se dardait. À ceux qui levaient leur visière
Et imploraient, merci ! son poing fendait le front,
Il leur donnait la mort, en leur criant l’affront
D’avoir été vaincus par des manants de Flandre,
Sa maladive ardeur ne pouvait plus ascendre :
Il eût voulu les mordre avant de les tuer.

Et les cardeurs, les tisserands et ses bouchers
L’accompagnaient, comme en frairie,
En ces banquets de rage et de tuerie.
Autant que lui, ils se soûlaient et s’affolaient
De leur travail ;
Pesants comme des pieux, fermes comme des proues,
Ils refoulaient des chevaliers, comme un bétail,
Dans de la boue,
Ils leur broyaient les dents, les bras, les flancs, les corps
Et, les talons plantés dans les trous des blessures,
Ils saccageaient ce large écroulement d’armures
Et leur volaient l’éclair de leurs éperons d’or.