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Plus drus que les flocons de neige
De leur lointaine et rude et givreuse Norvège,
Armés de fer et casqués d’or,
Les Normands roux, aux muscles forts,
Sont descendus, sur les côtes, en Flandre.
La vie entre leurs mains devient ruine et cendre ;
Ils incendient les bourgs, les clos et les moissons ;
La flamme est leur drapeau flottant aux horizons.
Rien ne leur est défense, arrêt, barrière, obstacle ;
S’ils le pouvaient, ils tueraient Dieu :
Un jour, l’un d’eux planta son rouge épieu.
Dans le cœur d’or d’un tabernacle.


Étalons fous des prés blancs et verts de la mer,
Leurs bondissants vaisseaux courent sur les flots clairs ;
De l’un à l’autre bout des tragiques espaces,
Le vent et l’ouragan leur insufflent l’audace ;
Ils chantent sous la foudre et ne redoutent rien.
Le monde franc, depuis Clovis étant chrétien,
Eux seuls dressent encor, dans la brume atlantique,
Le fulgurant Wahaal des grands Dieux magnétiques,
Maîtres du pôle ardent et du subtil éclair.
Ils ont le culte ancien implanté dans leur chair,