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En Touraine tel fleuve est un manteau de gloire.
Leurs noms ? L’Oural, l’Oder, le Nil, le Rhin, la Loire.
Gestes de Dieux, cris de héros, marches de Rois,
Vous les solennisez du bruit de vos exploits.
Leurs bords sont grands de votre orgueil : des palais vastes
Y soulèvent jusques aux nuages, leur faste.
Tous sont guerriers : des couronnes cruelles
S’y reflètent — tours, burgs, donjons et citadelles —
Dont les grands murs unis sont pareils aux linceuls.
Il n’est qu’un fleuve, un seul,
Qui mêle au déploiement de ses méandres
Mieux que de la grandeur et de la cruauté,
Et celui-là se voue au peuple — et aux cités
Où vit, travaille et se redresse encor, la Flandre !

Tu es doux ou rugueux, paisible ou arrogant,
Escaut des Nords — vagues pâles et verts rivages —
Route du vent et du soleil, cirque sauvage
Où se cabre l’étalon noir des ouragans,
Où l’hiver blanc s’accoude à des glaçons torpides,
Où l’été luit dans l’or des facettes rapides
Que remuaient les bras nerveux de tes courants.

T’ai-je adoré durant ma prime enfance !