Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, entre ses mains vieilles mais obstinées,
Les énigmes, les mystères, les destinées,
Dont s’éclairent les yeux mi-clos de l’avenir.

Et les voici tanguer, sur leurs vaisseaux, ces hommes
Dont l’âme fit Paris, Londres, Berlin et Rome,
— Prêtres, soldats, marins, colons, banquiers, savants —
Rois de l’audace intense et maîtres de l’idée
Qui projettent les traits de leur force bandée
Aux buts les plus lointains des horizons vivants.

Si l’équité parfois au fond de leurs cœurs bouge,
S’ils massacrent pour s’imposer et pour régner,
Du moins réprouvent-ils le sang sur leurs mains rouges ;
Ils innovent un droit moins rude et suranné
Qui se tempère, et s’illumine, et s’humanise.
Où débordait la violence, ils organisent ;
S’ils se vengent, ici ; ils pacifient, ailleurs ;
Ils représentent ce que la terre a de meilleur ;
Bien que vagues et tremblantes, les harmonies
Des temps futurs chantent, dans leurs cerveaux,
Ils ont le front tout pavoisé d’orgueil nouveau
Et de leur multitude éclosent les génies.