Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et les plages de nacre et les golfes de gel
Et l’ombre et la lumière et l’affre et le mystère,
L’Est, l’Ouest, le Nord, le Sud, toute la terre
Les accueille, afin que les trésors s’échangent
Riches, compacts et clairs, ainsi que des vendanges.

Le monde entier travaille et l’Europe debout,
Là-bas, sur son tas d’or millénaire qui bout,
Du fond de ses banques formidables, préside
À ces trafics captés par des cerveaux lucides,
Chiffre à chiffre, dans les mailles de leurs calculs.
Si les chutes, les débâcles et les reculs
Brisent parfois les rêts des trop vastes audaces,
Il n’importe : les ors croulent et se déplacent
Sans appauvrir les sols, ni dessécher les mers ;
La fortune toujours tient ses vantaux ouverts
Devant la neuve ardeur et la jeune folie,
Il faut vider le vin avant le flot de lie,
Et qui compte les morts n’est déjà plus vivant.

La terre est désormais, du Ponant au Levant,
À la race qui l’explora jusqu’en ses astres,
Qui traversa tous les dangers, tous les désastres,
Toutes les morts, dans l’espoir fou de détenir,