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Alors, les vents, les flots, la nuit, les cieux, les astres,
Les ponts massant sous eux, les blocs de leurs pilastres,
Les basaltes du port, les murs de la cité

Pourraient frémir, aux quatre coins de l’étendue,
Qu’ils ne trembleraient pas d’un plus profond bonheur
Que l’âme ardente du chercheur,
Sur sa conquête suspendue !

Quelque chose du monde est tout à coup changé,
Par ce jaillissement brutal hors des ténèbres ;
Il n’importe qu’on nie ou qu’on célèbre
L’homme dont le génie a saccagé
Les mystères barrés par des portes hostiles,
Sa force est résorbée en la force des villes
Et leur énorme vie en est encor grandie !

Ainsi, de laps en laps, ceux qui pensent dédient
À l’avenir humain l’ardeur de leur cerveau ;
Et tandis qu’ils vivent pour des pensers nouveaux,
D’autres qui travaillent pour les foules — se lèvent.

Ceux-ci sont les ardents et les martyrs du rêve
Qu’ils entrevoient, là-bas, par des jardins de sang,