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Son or ailé qui s’enivre d’espace,
Son or plânant, son or rapace,
Son or vivant,
Son or dont s’éclairent et rayonnent les vents,
Son or que boit la terre,
Par les pores de sa misère,
Son or ardent, son or furtif, son or retors,
Morceau d’espoir et de soleil — son or !

Il ignore ce qu’il possède
Et si son morceau d’or excède,
Par sa hauteur, les tours et les beffrois ;
Il l’aime avec prudence, avec sang-froid,
Avec la joie âpre et profonde
D’avoir à soi, comme trésor et comme bien,
Sous la garde des cieux quotidiens,
Le bloc même du monde.

Et les foules le méprisent, mais sont à lui.
Toutes l’envient : l’or le grandit.
L’universel désir et ses milliers de flammes
Brûlent leur âme autant qu’il ravage son âme ;
Il est celui qui divise le pain
Miraculeux du grain,