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Ou de Toscane ou de Bourgogne ou du Vexin,
Prit quelquefois le souverain pouvoir en main
Et s’entourant d’enthousiasme ou de mystère
Domptât l’église, avec le geste du Saint-Père.

Le pape avait la tiare ; il relevait du sort.
Il s’imposait vêtu de la force immobile,
Mais son front vieillissait, ses mains étaient débiles,
Il n’était que gardien des trésors de la mort ;
Tandis qu’eux s’en venaient du côté de la vie,
Eux, les moines, dont la pensée était servie
Par l’étude plongeant aux feux des renouveaux ;
Leur cœur était trop clair pour n’être qu’un tombeau
Et, fièrement, dans les plis de leurs coules,
Toujours, de siècle en siècle, à travers temps
Sur ses autels, à leur Dieu pâle et haletant,
Ils apportaient les fleurs de l’âme de la foule.

Leurs monastères d’or illuminaient les monts
Et faisaient à l’Europe entière une couronne
De foi, d’ardeur et de science, autour du front ;
L’Èbre, l’Escaut, le Rhin, la Saône et la Garonne
Et les chemins qui s’en allaient trouer la mer
Et les routes des bois massifs et des déserts