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Me rajeunit et me pénètre.
Que m’importe d’avoir souffert
D’avoir raclé mon cœur avec la chaîne
— Qui vient et va — de la douleur humaine,
Que m’importe ! — je sens
Mon corps renouvelé vibrer de joie entière
D’être trempé vivant et sain
Dans ce brassin
De formidable et sauvage matière.

Le roc casse le flot, le flot ronge le roc.
Un silence se fait : le choc
Des gros tonnerres d’eau ébranlent les falaises ;
Une île au loin se nourrit de la mer
Et monte d’autant plus que les grèves s’affaissent.
Le sable boit le soleil clair
— Oh revenir aux aurores du monde ! —
Tout se confond, tout se détruit, tout se féconde.
On vit un siècle en un instant.

Et qu’importe ce deuil du temps :
La mort !
Sans elle
Jamais l’éternité n’apparaîtrait nouvelle ;