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Et vous, haines, vertus, vices, rages, désirs,
Je vous accueillis tous, avec tous vos contrastes,
Afin que fût plus long, plus complexe et plus vaste
Le merveilleux frisson qui m’a fait tressaillir.
Mon cœur à moi ne vit dûment que s’il s’efforce ;
L’humanité totale a besoin d’un tourment
Qui la travaille avec fureur, comme un ferment,
Pour élargir sa vie et soulever sa force.

Qu’importe, si l’on part, qu’on n’arrive jamais,
Et que l’on voie au loin se déplacer les cimes !
L’orgueil est de monter toujours vers un sommet
Tenant la peur de soi pour le plus vil des crimes ;
Celui qui choit s’est rehaussé, quand même, un jour,
S’il a senti l’enivrement de la mêlée
L’exalter à tel point dans la haine ou l’amour,
Que sa force soudaine en parut décuplée.

Et puis toucher, goûter, sentir, entendre et voir ;
Ouvrir les yeux pour regarder l’aube ou le soir