Page:Verhaeren - Les Blés mouvants, 1912.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
GUILLAUME

Je m’en souviens encor : j’avais huit ans à peine
Que je poussais déjà, là-bas, de plaine en plaine,
À fouet souple et claquant, le bétail noir et roux,
Que je faisais griller quelques faînes de hêtre
Sous la cendre d’un feu champêtre,
Et qu’on était content de mon travail chez nous.


ANTOINE

L’esprit des champs a bien changé
Et nul ne voit le séduisant danger
Qui nous attire et nous menace.
On ne fait plus chez nous des gens de notre race,
Au front compact comme le poing ;
Tout se desserre et se disjoint
Et le meilleur s’en va et rien ne le ramène :
On dirait d’un tamis où passeraient les graines.