Page:Verhaeren - Les Blés mouvants, 1912.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
La lune monte et luit et le gel brusque enlève
Tout nuage au ciel torpide et somnolent ;
Et les meules alors, sous les astres sans nombre,
Semblent se redresser plus haut que les maisons
Et tout à coup atteindre et barrer l’horizon
Si loin sur les champs nus se prolongent leurs ombres.

Mais dès que cessent les temps froids
Et qu’une écume de verdure
Mousse à la cime innombrable des bois,
Toutes les meules à la fois
S’illuminent sur la plaine moins dure.
L’aile du vent bat du Midi,
Tout chant d’oiseau semble un présage.
L’alouette bondit et rebondit
En un vol saccadé vers les plus hauts nuages.
Les vieilles gens quittent leur seuil.
Oh ! cette heure où les meules
Lasses enfin d’être seules
Font bel accueil