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HAINEAU


Vous croyez donc que l’ennemi abdiquerait la victoire et ferait une
paix sans profit ?

HÉRÉNIEN


Vous raisonnez sans rien savoir. Les vagabonds et les paysans,
qu’au début du siège on rejeta vers la campagne et qui vivent, Dieu sait comme, entre les assiégeants et nous, jour par jour, m’ont renseigné. Hordain, confirme leurs avis et j’ai contrôlé tout. Le bombardement a dû cesser. L’épidémie mange le camp : vingt mille hommes sont morts ; les fossés des retranchements débordent de cadavres. Un général fut tué hier, par un soldat, devenu fou tout à coup. Les inférieurs se liguent entre eux, pour détruire les travaux du siège : on encloue les canons ; on jette au fleuve, balles et poudre. C’est donc la misère, la détresse, les angoisses, les pleurs, les rages, les terreurs universelles qui font surgir enfin ces espoirs d’entente, ces cris profonds et fraternels. La force même des choses est d’accord avec la nôtre.