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D’abord c’est derrière eux,
Que la flamme grandit et saute et tangue et houle :
Son oblique lueur atteint et suit la foule
Qu’on croit voir osciller et marcher dans du feu ;
Les crêtes des pignons croulent dans les fumées,
Les meules aux flancs d’or sont partout allumées,
Le bois flambe à l’orée et crépite et se tord
Et le proche horizon est ligné d’arbres morts.

Les gens qui vont et fuient
Poussent devant leurs pas et leur porc et leur truie,
Et leur chèvre et leur vache au corps lourd et ballant ;
Parfois les suit encore un long troupeau bêlant
Dont la plainte s’enfonce immensément dans l’ombre.
Des chevaux harassés traînent des chars sans nombre
Et les bêtes et les hommes ainsi s’en vont
Vers l’affreuse détresse et le malheur profond,
Se rapprochant et se parlant comme naguère,
Avec des mots qu’entend la terre
Depuis toujours.