Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Je me battis encor dans les plaines d’Alsace.
J’y tenais le drapeau et ne le lâchais pas.
Les boulets allemands m’eussent coupé les bras
Que je l’aurais serré entre mes dents tenaces
Et rapporté, le corps saignant, les pas hagards,
Mais le cœur haut et clair, chez nous, dans la patrie.
Ses trois couleurs mettaient l’orgueil dans mes regards
Et je baisais sa frange usée et appauvrie
Dans l’ombre, au soir tombant, quand nul ne me voyait. »

D’un coup, une nouvelle fois, il s’arrêtait,
Bourrant avec ses doigts calleux son humble pipe.
Il tirait posément de sa poche un briquet,
Et son tabac tassé peu à peu s’allumait
Dans le bruit régulier et mouillé de sa lippe.

« Je me trouvai avec Chanzy, à Saint-Quentin ;
Je m’employais avec fureur, soir et matin,
Au bruit d’un vieux clairon dont l’âme était encore,
Après cent ans d’assaut, trépidante et sonore.