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Tout se passe durant la nuit,
Et nul ne sait d’où se portent les coups sans nombre.
Un projecteur lointain illumine les bois,
Un canon plus lointain s’épuise en longs abois,
Et blocs par blocs les hommes choient
Et rejoignent la mort dans la boue et dans l’ombre. »

Il s’arrêtait.
Sa moustache comme en bataille
Attaquait de son ombre immense la muraille.
Il s’arrêtait, toussait et soudain s’emportait :

« Où est la charge rouge aux fulgurances d’or,
Quand les sabres au clair illuminaient les têtes
Et que mille escadrons étaient mille tempêtes
Accoutumant la terre aux foudres de la mort ?
J’étais à Reichshoffen — voici cinquante années.
Ce fut atroce et prompt. Mais du moins le soleil
Sautait de casque en casque au galop des armées.
On y sauva l’honneur en un instant vermeil.