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Des crevasses d’obus bâillent en des sillons.
Le tilleul de la plaine est fendu tout du long
Et tend vers le haut ciel les moignons de ses branches.
Les toits ont chu des murs comme autant d’avalanches
Et leurs lattis broyés jonchent les carrefours.
Tel un torse troué se dresse encor la tour
Par-dessus le village et l’église en ruines.
Les étoiles, le soir, peuplent cette poitrine
De feux consolateurs que l’on voit au travers.
Tout est morne d’avoir si brusquement souffert :
L’oiseau, la bête et l’homme en leur crainte profonde,
À voir leur sol broyé, croient à la fin du monde.

Pourtant,
Cette terre aujourd’hui lamentable et blessée,
De toute la mitraille en sa chair enfoncée,
Renferme également,
En ses bois désolés et ses plaines cruelles,
Le corps des héros morts qui tous sont morts pour elle.

Dites, les gens
Dont l’âme paysanne entend vivre la terre,