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Et les villes debout sur les confins du monde
S’hallucinent à voir ses grandes aigles d’or
Franchir l’Alpe, l’Atlas, l’Olympe et le Thabor,
S’abattre et les saisir, en leurs serres profondes.
Rome est l’ordre guerrier, la volonté, la loi.
Vaincre n’est qu’un devoir ; régner est un exploit.
Elle aime à maintenir sa force en plein silence
Et que brille son droit, comme un fer, sur sa lance.
Ceux qui tiennent son pouvoir ferme entre leurs mains,
Tribuns ardents, consuls guerriers, sénateurs graves
Semblent des rois : ils sont des citoyens romains.
Comme un vaisseau foulant les flots sous son étrave,
Rome s’avance, en écrasant, tranquillement,
Tous ceux qui n’ont pas foi en son commandement.
Rome est âpre au combat, juste après la victoire.
La honte des vaincus disparaît dans la gloire
Qu’elle leur verse au front dès qu’ils se sont soumis ;
Elle protège où qu’ils aillent vivre, ses fils ;
Dès qu’on la cherche, au bout des terres, on la trouve.
Elle a puisé son sang dans le lait de la louve
Et la rudesse est sa grandeur et sa beauté.
Elle a connu les jours d’ombre et d’adversité