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— Là-bas, sur les vagues, parmi les vents,
Dites, Notre-Dame des vieux Empires,
Vers quels astres du soir ou quels soleils levants,
S’en va la troupe immense des navires ?

— Voici : Tyr règne et rayonne sur l’univers.
Chypre, Rhodes, Argos, la Sicile et Carthage
Et les peuples obscurs de l’Adige et du Tage
Voient ses vaisseaux cingler vers eux, du bout des mers.
L’adresse et le calcul, la surprise et l’échange
Et les mots que l’on dit pour voiler ce qu’on fait
Et les métaux rugueux et les ambres étranges
Et les voyages longs vers des pays secrets
D’où l’on voit luire, au fond morne des crépuscules,
Tournés vers l’ouest, les fronts des colonnes d’Hercule,
Plaisent à son génie ardent, ferme et réel.
Son peuple écrit les sons, il invente les lettres ;
Là-haut, quand les buissons des astres s’enchevêtrent,
Il démêle les feux et les signes du ciel.
Sa fièvre et son astuce à chaque grain s’exaltent.