Page:Verhaeren - La Multiple Splendeur, 1907.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Deux peuples se ruaient l’un vers l’autre, pareils
À deux orages fous cognés sous le soleil.
Cyrus barrait l’Euphrate en son cours millénaire ;
Il assoiffait et affamait d’abord : sa guerre
— Torses fendus, regards éteints, muscles broyés —
Mordait jusques au cœur les pays foudroyés.
Ô les cris vers les cieux quand mourut Babylone,
Avec ses chars, ses tours, ses ponts et ses pylônes
Et l’étagère en fleur de ses jardins de lys !
Ô le cri de Ninive ou de Persépolis
Trouant l’espace entier et frappant les étoiles
Tandis qu’au loin fuyaient les drapeaux et les voiles !
Ô le cri souterrain de Korsabad en feu
Dont les hauts murs d’émail étaient ornés de dieux
Broyant des lions bleus, entre leurs deux mains fortes,
Dont les Keroubs ailés gardaient dûment la porte
Sans qu’aucun d’eux pourtant en ait barré le seuil
De souverain silence et de pesant orgueil,
À l’heure, où s’écroulaient les tours ensanglantées
Avec un bruit fumant de montagne éclatée.