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Le paysage est calme et ses aspects ne bougent.
À ceux qui l’observent d’en bas
La sagesse, d’un geste lent, désigne
Les chemins bien tracés et les routes insignes.
D’aucuns vers son appel accélèrent leur pas ;
Mais ceux dont les vouloirs sont rouges
Et qui veulent, où qu’ils montent, monter encor,
Ceux dont les fronts sont faits pour les vertiges d’or
N’écoutent rien, sinon leur âme, au fond d’eux-mêmes.

La joie est le tremplin de leurs élans suprêmes,
La joie âpre d’être en péril, d’être en danger,
Et de sentir leur cœur bondissant et léger
Au moindre appel des clairons noirs de la tempête.
La vie est un combat qu’ils ont changé en fête ;
Où l’on a peur d’aller en troupe — eux s’en vont seuls ;
Neige aveuglante et toi, profond linceul,
Sur le visage aigu de l’altitude blanche ;
Râpes du vent, étaux du froid
Mordant les doigts crispés, raclant les torses droits ;
Et vous les bonds, de roc en roc, des avalanches,