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Demolder et en 1895 celui de M. Culus. Enfin voici le dernier portrait en date (1907). Il représente Mme Lambotte, d’Anvers.

Le personnage est assis au centre de la toile, vêtu d’une robe bleue et d’un grand châle vert. Admirable accord que celui de ces deux tons principaux. À gauche une table. La main droite du modèle s’y appuie sur un bibelot japonais. Au fond, mais bien à leur plan malgré la vivacité de leurs teintes, apparaissent les Masques scandalisés et quelque scène du conservatoire de Bruxelles où le maître Gevaert dirige les chœurs. L’œuvre est intéressante à préciser. La figure est traitée, délicatement ; le chapeau est d’une fraîcheur comme florale. On dirait que le personnage est rentré d’une excursion aux champs et qu’il retient sur lui quelque chose de la limpidité et de la bonne odeur champêtres. Les yeux vivent d’une vie charmante ; les cils sont peints, hardiment, en bleu. Et cette couleur si éloignée du ton local est d’une justesse admirable dans l’ensemble. Tout ainsi revêt une vibration aiguë et subtile à qui sait voir les objets non plus dans leur réalité plate, mais dans leurs rapports avec un rêve de couleur et de lumière. Il faut qu’un artiste vrai ne tienne presqu’aucun compte de la vue banale des choses et qu’il ne les voie que comme prétexte à interprétation belle. Tout se peut transposer d’une vie dans une autre, de la vie commune dans la vie de l’art. La couleur unique dont il faille se soucier est celle qui fait bien sur la toile et affirme et soutient et rehausse son harmonie. Ensor a nettement obéi à cette loi dans le portrait de Mme Lambotte.

Deux très belles natures-mortes datent de 1893, la