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comme joyeuse ; de belles taches claires s’y rencontrent. On y devine le coloriste qu’il est.

En 1882, Théo Hannon et Willy Finch, deux de ses amis, lui servent de modèles. Le dernier de ces deux portraits est d’une solidité belle. Les tons clairs font place aux tons profonds et fermes ; le visage est traduit avec une franchise et une sûreté de facture remarquables ; aucune mise en scène, aucune recherche, si ce n’est la recherche fondamentale des beaux peintres en face de l’architecture humaine à traduire avec souplesse et force.

Suit l’effigie de la Mère de l’artiste. Robe noire et col en dentelles. Trois roses groupées, comme ornement. Simplicité absolue dans la pose ; les traits sont âprement caractérisés. De loin, le modèle fait songer à quelque dame qu’aimait à peindre d’une manière brusque, scrupuleuse, aiguë, le grand Goya.

En 1891, James Ensor voulut bien consacrer quelques séances à mon propre portrait. Je n’insiste sur cette œuvre que pour noter le faire spécial qui la distingue. Elle est plutôt écrite que peinte. Le trait est insistant, il creuse la chair, il traduit le caractère. Vers cette époque James Ensor introduit ce procédé graphique, tout à coup, dans sa peinture. La ligne qu’il dissimulait et noyait jadis y prend la première place, non pas la ligne ornementale et pure, mais la ligne caractéristique et rompue. Ces brusques sauts, ces rapides volte-face, ce changement incessant de procédé indiquent à la fois les recherches incessantes de son art et les inquiétudes journalières de son caractère et de son esprit.

Trois ans plus tard s’achève le portrait d’Eugène