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III.

LES TOILES

C’est de 1880 à 1885 que James Ensor produisit ses toiles les plus belles. Son œuvre n’est point une moisson d’été ni une vendange d’automne ; c’est avant tout une germination de printemps. Sa force libre jusqu’à l’excès, sa personnalité violente jusqu’à l’exaspération, son indépendance superbe et outrancière lui ont fait une jeunesse admirable. Il créait abondamment, surabondamment même, avec acuité. Avant que la critique nombreuse se fût acharnée sur lui, il avait produit, déjà, tout ce qui plus tard devait susciter la bienveillance ou la haine. Il n’a donc pu donner ni à la louange ni au blâme le temps d’avoir prise sur lui ni de modifier en quoi que ce fût son travail. L’éclosion de son talent fut comme une explosion. D’un coup, il apparut presque en toute sa stature.

Il débute en 1879 par peindre son Propre portrait ; il y joint deux compositions : Judas lançant l’argent dans le Temple et Oreste tourmenté par les Furies ; puis dès 1880 apparaissent le Lampiste (exposé à l’Essor en 1883 et aux XX en 1884) et la Coloriste, deux toiles où tout son art est affirmé, et ce merveilleux Flacon bleu qui