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même théorie ou d’une même formule. Une même idée conçue par des peuples différents, un même principe d’art appliqué par des groupes étrangers les uns aux autres acquiert une diversité précieuse et riche. La totalité des résultats peut être atteinte ainsi.

Au reste, les peintres venus d’ailleurs conservent, même à Paris, d’une manière souveraine, leurs qualités autochtones. Jongkind, Van Gogh, Whistler, Anglada, Van Rysselberghe en témoignent. Ils restent fidèles à leurs origines superbement. Ils possèdent — j’en excepte Whistler — moins de goût que les Français, ils voient moins subtil et moins fin, mais ils apportent, les uns certains dons de robustesse, d’âpreté, les autres certains sentiments d’intimité et de naïveté, qu’on ne rencontre qu’en Espagne, qu’en Hollande et qu’en Flandre.

Pour situer de tels talents, il ne faut point les rejeter hors de leur milieu natal. Au contraire, il les y faut ramener, les mettre en leur vrai jour, les relier à leurs contemporains directs par les inévitables sympathies de race et d’instinct. Qu’on signale les principes nouveaux qu’ils apportent, mais qu’on étudie avant tout comment ils les adaptent à leur nature.

À toutes les périodes de l’histoire, ces influences de peuple à peuple et d’école à école se sont produites. Jadis l’Italie dominait profondément les Floris, les Vænius et les De Vos. Tous pourtant ont trouvé place chez nous, dans notre école septentrionale. Plus tard Pierre Paul Rubens s’en fut à son tour là-bas ; il revint italianisé mais ce fut pour renouveler tout l’art flamand.

Bien plus, il se fait que souvent au pays même des peintres émigrés, il se lève des artistes qui trouvent,