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Cette suite de sujets renseigne — et que d’autres petites planches l’affirment comme elle — sur l’inépuisable fantaisie de James Ensor. On la croit au bout de sa trépidation et toujours et encore elle recommence. Elle est véloce et incessante comme le tic-tac d’une montre. Elle s’agite jour et nuit. La moindre observation faite au hasard la remonte comme le petit tour de clef quotidien redonne la vie aux ressorts distendus.

Pour saisir mieux encore cette folâtre imagination il faudrait la suivre jusque dans sa descente vers la caricature et la montrer aux prises avec les Cuisiniers dangereux[1] et les Mauvais médecins (1895).

Les Cuisiniers dangereux sont les critiques. On y distingue telles personnalités que J. Ensor redoutait. Elles servent un étrange repas à quelques-uns de leurs confrères et sur les plats présentés s’étale la tête même du peintre flanquée d’un sauret. Les Mauvais médecins opèrent avec une férocité délurée, s’empétrant parmi les intestins qu’ils retirent des ventres comme des câbles et taillent dans les chairs de larges crevasses par où s’évadent les entrailles. Le patient tend un poing vers le ciel, est retenu par une corde qui l’étrangle tandis que la mort sinistre, avec un geste préceptoral, apparaît.

  1. Les Cuisiniers dangereux sont un panneau (1896).