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fondissement du paysage est admirablement rendu, tandis que la volute large et ample du nuage, déroulant sa portée dans la même direction que le rivage de droite et les barques de gauche, concourt à cette même illusion d’étendue. Souvent, le jeu subtil des lignes ne fut guère favorable aux compositions de James Ensor, mais ici les plus malveillantes critiques ne peuvent avoir de prise et son œuvre est irréprochable. Ceux qui le chicanent sur la trop fameuse perspective, n’ont qu’à examiner les Barques échouées. Ils conclueront que si le peintre viole parfois telle ou telle sacro-sainte règle, tant en ses tableaux qu’en ses dessins, ce n’est ni par ignorance, ni par impuissance mais par réflexion et par volonté. L’art doit sacrifier à chaque instant les préceptes et les enseignements qui le gênent dans ses recherches et ses découvertes. Un vrai artiste trouve en lui-même la justification de ses excès. Ce qui s’est fait avant lui ne lui est qu’un conseil ; ce ne peut jamais lui être un ordre, ni une sorte d’ultimatum. L’art est libre, libre, libre ! s’écrie quelque part James Ensor. Il n’y a que les médiocres qui ne comprennent pas et ne comprendront jamais la profondeur et la sincérité d’une telle revendication ardente. Heureusement que les routes supérieures de l’humanité en marche sont plantées de grandes œuvres qui l’affirment et la crient à leur tour.

Le Christ calmant la tempête (1886), les Sorciers dans les bourrasques (1888), l’Ange exterminateur (1889), sont des compositions magnifiques d’ampleur et de simplicité. La première est comme solennelle. On a la sensation d’un miracle qui éclate et du surnaturel qui rayonne. Les deux autres baignées — dites de quelle