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DOM BALTHAZAR

Réjouis-toi, car tu donnes la vie
À mon âme ; ma rage inassouvie
Rôdait autour de moi, ne sachant où planter
Les dents de la douleur et de la cruauté.
Un nouveau champ de pénitence immense
S’ouvre devant mes yeux et mon salut commence,
Pour la première fois, à rayonner là-bas.
Enfin, j’ai redressé vers le salut mon pas !
Je suis régénéré, depuis que ta lumière,
Belle comme les fleurs des aurores premières,
Baigne mon triste front de sa claire ferveur.
Je sens dans ma poitrine, arder l’or de mon cœur.
Ma conscience, au fond de moi, se transfigure.
Je ne redoute rien : les cris, les fouets, l’injure,
Le couperet, le sang, la mort me seront doux.
Je songerai que Jésus-Christ baisa ses clous
Et son gibet ; je songerai que tu écoutes
La voix de ma folie et de ma peine absoutes,
Et que tu prieras Dieu, à l’heure où le bourreau
Garrottera mon corps meurtri, sur l’échafaud.