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LE PRIEUR

Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Écoute :
Je t’avais désigné pour être, à mon départ
Vers Jésus-Christ, là-haut, celui qui, dans la route,
Marcherait après moi et reprendrait ma part
D’efforts et de soucis et de traverses graves.
Dieu m’a désaveuglé et c’est là ma leçon.
Il a brisé devant mes yeux, comme une épave,
Le fier et blanc vaisseau, chargé de cargaisons
De myrrhe et d’encens pur, que tu me semblais être.
Les vents de ta fureur ont séché sur ton front
L’huile sainte dont se baignent nos fronts de prêtre.

DOM BALTHAZAR

Mon Dieu !

LE PRIEUR

Tu m’apparais plus nettement damné
Que si l’on te donnait du feu pour sépulture.
Jamais le souvenir de ton crime effréné
Ne calmera ces cris ; jamais prière en flamme
Ne descendra vers ton effroi.
Tu es le dernier mort, tu es la dernière âme