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les plaines
Sur la campagne longue où se penche l’hiver.

Parfois, quelque foyer plus vivement éclate,
Et sa fumée immense et plate
S’élève alors et saute en tourbillons dans l’air.

Le feu crépite ; un tas d’insectes
Semblent lutter, groupés en sectes,
Et se manger, au cœur des flammes.
Fermiers et gars, filles et femmes
Remuent la braise énorme avec des râteaux noirs.
Et l’immense brasier qui bouge
Illumine dans l’ombre et dans le soir
Leurs visages tout à coup rouges.

Et voici qu’à nouveau s’étirent les fumées,
Infatigablement, au gré du vent, là-bas,
Sur les champs au repos et les plaines calmées ;
Et voici qu’à nouveau leur rampement, au ras
Du sol, s’étend, parmi les clos et les venelles,
En lignes lentes et longues et parallèles,
Et que la nuit survient et que toujours, toujours,
Elles passent, sans un arrêt dans leur vol lourd,
Sans un remous lointain dans leur mouvant sillage,
Toujours vers les marais, les bois et les villages,
Et par-dessus les toits, les cours et les fournils,

Partent mourir, on ne sait où, dans l’infini.