Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
œuvres de émile verhaeren


Mais ceux qui l’ont connu, au temps de sa vigueur,

L’ayant vu tous les jours, ne voient pas sa ruine ;
Ils s’assemblent en juin sous sa longue fraîcheur,
Au tournant du chemin qu’il borde et qu’il domine :
Ils regardent la plaine et se parlent longtemps ;
Le mur écoute en eux la voix des anciens temps.
En août, aux jours joyeux des kermesses paillardes,
Filles et gars, longtemps, dans la nuit s’y attardent.
Soit aux billes, soit au cerceau, chaque jeudi,
Les enfants de l’école y jouent l’après-midi.
L’été durant, le mur appelle, accueille, invite :
Même en automne, encor, les plus vieux s’y abritent,
Le soir, pour voir rentrer, de loin, les fourrageurs
Et leurs grands chars bougeants, pleins d’ombre et de lueurs,
Qui lentement, là-bas, par les routes circulent
Et semblent charrier,
Vers les hameaux pacifiés,

Les blocs croulants du crépuscule.