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les plaines


LE VIEUX MUR


Le vieux mur est usé et ploie ainsi qu’un homme ;

Jadis il se chargeait d’un poids rouge de pommes :
Un espalier géant s’attachant à ses clous.
Il défiait le gel, la pluie et les vents fous ;
L’été, quand le travail des champs bout et halète,
Luisaient au plein soleil ses tuiles violettes.
Et le grain de sa brique était de sang et d’or.
Maintenant, il est las et mordu par la mort ;
Un tonnerre lointain l’ébranle et l’intimide ;
Des insectes visqueux peuplent ses joints humides ;
L’arbre qu’il étayait s’écorce et se détruit,
Le vers mange la feuille et la guêpe le fruit.
La joubarbe, l’orpin, l’aigremoine et l’ortie
Ont pris racine en ses pierres désassorties ;
D’un trou large et brutal son flanc est traversé ;
Un de ses contreforts a chu dans le fossé.
Il est morne et couvert de lèpres et de taies

Et le plâtre s’écaille autour de ses cent plaies.