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œuvres de émile verhaeren


Les coups de feu qu’on a tirés, drus et sonores,

Dès le matin, en son honneur, aux carrefours,
Et les bonds triomphaux des cloches dans la tour
Rendent son cœur plus fier encore.

Sa ferme est là qui monte et s’étend devant lui :
Et son bétail est gras et l’étable rayonne ;
Et les croupes s’y étalent comme des fruits
Dans l’or et les pailles d’automne.

Son seigle et son froment chargent par tas vermeils
Ses vieux greniers poudreux dont les poutres sont lasses ;
Il voit les coqs aller, venir dans le soleil,
Comme des feux qui se déplacent.

Oh ! ses prés, ses vergers, ses granges et sa cour.
Et sa femme là-bas qui, elle aussi, regarde
Ce bien qui fut l’âpre raison de leur amour
Et qui sera sa sauvegarde.

Et tandis que tous deux comptent sur leur destin,
La servante apparaît qui hèle les convives
Vers la table luisante et le fumant festin

Et la soupière aux couleurs vives.