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œuvres de émile verhaeren
Le bon meunier reste là-haut,

Menant sa vie obscure et seule,
Près de ses meules ;
Il collabore au pain des bourgs et des hameaux ;
Il est couvert de cendre et de farine fine ;
Il apparaît aux crédules enfants
Comme un grand saint Nicolas blanc
Qui demeure près des nuages ;
Autour de son vieux front le ciel semble en voyage ;
Il est calme toujours, il chante et moud son grain ;
Le poing noueux des ouragans l’étreint,
Mais rien ne le submerge.
Il distingue, là-bas, sur les canaux,
Les noms usés des vieux bateaux
Et l’enseigne des antiques auberges,
Et, tout au loin, Anvers la grande et ses vingt tours ;
Si bien qu’il lut, devant témoins, un jour,
L’heure exacte et son chiffre de flamme
Au cadran d’or de Notre-Dame.


Et tel, le bon et paisible meunier,

Parmi ses sacs et ses paniers,
Travaille en sa maison ailée ;
Et les saisons démuselées
Sous des cieux d’or, de foudre et de tempête,
Passent, sans que se trouble ou s’inquiète,
Du poids des ans,

Sa tête.