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œuvres de émile verhaeren
Avec ses grappes d’ouragan

Qui se gonflent de pluie, et soudain crèvent.
Les ténèbres semblent nourrir de sève
Et de sang noir, comme la poix,
La meute énorme de molosses,
Dont la rage et les abois
Peuplent la nuit féroce.
Tout le pays se convulse, la ville croit
Son heure suprême venue ;
Et ceux que les calendriers
Hallucinent vers l’inconnu
Songent que, l’an dernier,
Un astrologue, à Trébizonde,
Pour ce temps-ci, prédit

La fin du monde.


Et le vent hurle, et le vent geint,

Et le vent bat, jusqu’au matin,
Murs, toits, pignons, balcons, tourelles
Et les cervelles solennelles
Des bons Messieurs les échevins
Qui s’entêtent à s’assembler en vain,
Avec l’espoir, tenace et décevant,
De voir, quand même, un jour d’unanime panique,
Sans faute aucune et sans réplique
Par les cent mains de la force publique

Saisir le vent.