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les villes à pignons


Les douze fleurs des chiffres d’or

Sur les cadrans sont effeuillées.
Les patronnes, agenouillées
À l’Est, à l’Ouest, au Sud, au Nord,
Supplient, en vain, le vent qui mord,
Et qui projette la prière
De leurs deux bras tendus,
Vers la pitié d’un Christ aux horizons pendu,

Violemment à terre.


Le sol antique est écorché

Par on ne sait quel coutre énorme ;
Tombent là-bas les buis, les ifs, les ormes,
Dans les jardins de l’évêché.
Le tablier du pont de pierre,
Arceaux fendus, est entraîné dans la rivière,
Et l’on entend des blocs entiers,
Que le courant sauvage
Roule jusqu’aux chantiers,
Battre, là-bas, les madriers

D’un colossal échafaudage.


Femmes, filles, vieillards, enfants,

Tremblent au fond de leurs mansardes ;
Le ciel ne se voit plus ; rien n’y luisarde :

Si large et si touffue est la vigne du vent,