Page:Verhaeren - Œuvres, t9, 1933.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
les villes à pignons
S’étale à tout venant,

Contre les murs, à front de rue,
Elle les garde et les surveille encor,
Faisant reluire, avec son tablier,
Quelque pommeau mal nettoyé,

Ou quelque frise à filet d’or.


Et l’archiviste, et le doyen, et le docteur

Se rencontrent parmi les acheteurs ;
Et les matrones graves et compactes
Se disputent sur la valeur exacte
D’un saladier d’étain ou d’un flambeau d’argent.
Le crieur est sonore, adroit et diligent ;
Ou vend l’un après l’autre :
Un candélabre, une aiguière, un bassinet.
Et l’horloge, très vieille, où Dieu et ses apôtres
Apparaissaient dans l’or dès que midi sonnait :
Enfin, jusqu’au hanap qui provenait d’un prince,
Et dont s’était servi, devant sa cour, le roi,
Lorsqu’il était passé, en l’an cinquante-trois,

Avec le duc, son fils, par ce coin de province.


Au fond du vestibule est étalé l’orgueil,

Profond et rembourré, de six vastes fauteuils,
Et la croupe et le dos des commères s’y tassent,

Et leurs rires sont gros, et leurs langues salaces,