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Nous marchâmes un quart d’heure en silence. Ma mère s’arrêta, regarda en arrière. Je voulais voir comme elle. Je montai sur une borne qui marquait un quart de lieue. J’entendis maman soupirer ; je vis ses yeux se mouiller de larmes, et elle se dit à elle-même : Plus rien !

Nous marchâmes toute la journée sans rien prendre. À huit heures, nous avions fait une étape et nous entrions dans une ferme qui bordait la route. Nous demandions si peu, que l’on nous reçut froidement. J’étais bien fatiguée ; mais, comme le malheur développe l’intelligence, je compris qu’il ne fallait pas laisser voir mon abattement.

Je fis semblant d’être gaie ; je sautai, je fis des agaceries aux gens de la maison. Ma gentillesse plut et l’on nous prodigua les mêmes soins que si nous avions été riches.

Le lendemain, ma mère alla recevoir ses secours de route à la mairie, et notre voyage se continua sans accident jusqu’à Châlons. Ma mère était pieuse, et, sous l’influence de sa dévotion, elle m’a donné dans mon enfance des habitudes et des impressions dont rien n’a pu effacer le souvenir. Chaque fois que nous rencontrions une église, une croix, un calvaire, nous faisions une prière et nous demandions à Dieu de nous pro-