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avoir suivi le cours de ces procès. J’ai dû demander un appui au juge d’instruction, il est intervenu en présence de certaines violations des lois qu’on avait accomplies parce qu’il s’agissait d’une femme envers laquelle on se croyait tout permis, et cela Je l’ai dit, avec un acharnement qui ressemblait à de la haine.

Comment mes ennemis avaient ils pu penser que la justice, cette mère de tous, s’arrêterait à moi ?

Quel était mon crime alors ?

J’avais ramassé dans ma honte un morceau de pain pour l’avenir, on me le disputait, et sans s’inquiéter si cette révélation allait me briser, car tous mes efforts jusque-là avaient eu un but : oublier, effacer un peu du passé, on disait en plein tribunal : « Voici l’histoire de cette fille… »

On les rappelait à l’ordre parce que les gens de cœur ne prennent point un canon pour tuer une mouche, mais chacun savait ce que j’aurais voulu cacher au prix de mon sang. On donnait à ces débats une publicité qui faillit me rendre folle. Dieu m’est témoin que ce n’est pas moi qui la recherchais alors.

Ce qui indignait des étrangers a bien pu me révolter ; on faisait des mémoires contre moi. Afin de réfuter de fausses accusations, j’ai écrit des milliers de lignes pour dire un mot, mais je n’ai pas raconté de gaieté de cœur un passé plein de douleurs, de regrets, de misères et de honte. Je voulais repousser une calomnie odieuse pour la personne qu’on mettait sans cesse au pilori à mes côtés ; on rivait son nom au mien ; il était exilé, malheureux, je l’ai défendu avec mon âme ; je voulais prouver que le peu que je possédais était à moi, puisque je l’a-