— Tu parles comme les annonces matrimoniales. Sache, Lina, que, pour moi, le mariage n’est pas une question de beau parti. Il doit y avoir d’autres sentiments que ceux que l’argent peut dispenser. D’abord, je n’aime pas Chavanay, mais l’aimerais-je que sa fortune serait à mes yeux un vice rédhibitoire.
— Le joli mot !
— Parfaitement. Je suis pauvre et, si j’épousais un homme riche, je me sentirais éternellement en état d’infériorité. J’aurais l’impression d’être sa gouvernante ou d’être en pension dans sa belle maison, ou encore d’être son esclave, suivant la manière dont il se comporterait à mon égard.
Lina réfléchit un instant :
— Tu as peut-être raison, mais peut-être as-tu tort… Il y a un point dont tu serais certaine, c’est qu’il ne t’épouserait pas pour ta fortune.
Colette eut un sourire mêlé de tristesse.
— Je ne prétends pas être épousée pour ma fortune.
— Tu te trompes. La fortune n’est pas une question de capital. Ce n’est qu’un rapport. Peut-être sembles-tu pauvre à Chavanay, mais ta situation, supérieure à celle de beaucoup de jeunes filles de ton âge, peut sembler être la fortune à quelque garçon paresseux. Ne cherchons pas plus loin un exemple : tu apporterais la fortune à François… si ses sentiments sont bien ceux que tu lui prêtes.
— Tu as raison, fit Colette, toute songeuse. Tu as raison quant à la fortune et quant à mon