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62 FRAGMENTS. reutes 2 Je crois que c’est par l’une et l’autre de ces raisons ’.

On est toujours porté a croire que le genre auquel on s’applique est fort supérieur a tous les autres, et, quel que soit ce genre, on se moque de ceux qui veulent rappeler les vieux principes, comme de gens d’un esprit borne, qui ont des vues étroites et courtes. C’est ainsi que des hommes, nés avec l’esprit faux, mais cependant avec quelque esprit, séduisent, peu in peu, les autres qui n’ont pas meme d’esprit, et l’on s’accoutume a juger, non pas selon les regles, mais selon la mode. S’il pouvait se trouver de bons auteurs dans le meme temps que les autres corrompent le ` gout, l’erreur aurait ses partisans, parce qu’il y a toujours un grand nombre d’esprits faux et superficiels; mais la raison prévaudrait, et le bon gout serait, du moins, le dominant. Le malheur veut que, quand la nature fait naître de ces hommes qui ont assez d’esprit pour corrompre le jugement des autres, il ne se trouve point, en meme temps, de plus grands hommes pour les redresser. ll n’y a plus alors que les écrits des vieux auteurs qui puissent servir de pieces de comparaison ,‘ et notre nation ne lit guére que les livres nouveaux. Quel autre remede y a-t·il contre ce dégout, si ce‘n’est de faire reparattre dans nos ouvrages ces vieilles maximes qu’on se contente de voir une fois dans les originaux, et qu’on oublie ensuite avec tant de promptitude? Comment faisaient les ancieus philosophes dans leurs écoles? Disaient-ils toujours des choses nouvelles? Non, sans doute; car ils se seraient écartés souvent de la vérité, et auraient donné des imaginations creuses pour des nouveautés. Que faisaient·ils donc? Ils expliquaient les vieux principes de la philosophie; ils les reproduisaient en divers termes, pour les mieux inculquer dans la mémoire, et empecher les hommes de les oublier; ils ne s’appliquaient qu’a

¤ Voir lo A’ Dialogue gbémonthéne et Isocrale). -·· manuscrit donno ensuite une phrase que Vauvenagues a plsoéo dans le Dialogue auquel nous ron- voyons, et qui ferait ici double emploi. —- G.